XXX CONGRÈS DE L’ASSOCIATION POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA PÉDIATRIE EN EUROPE (A.E.P.E.)
jeudi 14 – vendredi 15 septembre 2000
LONDON. U.K.

La médecine du nouveau-né : contraintes d’aujourd’hui et horizons de demain
Pierre Lequien
France

Une trentaine d’années ont été nécessaires pour que la néonatologie trouve sa place entre l’obstétrique et la pédiatrie, en observant toutefois que sa conception et son organisation peuvent différer sensiblement suivant qu’elle s’est développée au sein des services de pédiatrie ou à l’intérieur des maternités.
Dans tous les cas, la néonatologie s’est imposée à partir d’un constat préalable : le nouveau-né n’est pas plus un « petit enfant » que l’enfant n’est un « petit adulte ». Elle implique la maîtrise de la connaissance de la physiologie et de la pathologie de l’adaptation à la vie extra-utérine. Mais son champ s’étend aussi en amont et en aval de la naissance. En collaboration avec l’obstétricien autour du foetus, le néonatologiste est un « périnatologiste ». Au delà de la période périnatale, il doit impérativement s’impliquer dans le suivi à moyen et long terme des enfants à risque de séquelles des affections périnatales et de leurs traitements.
Il est clair, désormais, que, loin de se résumer à quelques gestes techniques, la néonatologie est une médecine du nouveau-né dans toute l’acception du terme, incluant tout autant la dimension préventive et sociale que la technicité imposée par les soins intensifs.
Pour satisfaire à toutes les exigences de son métier, le néonatologiste doit recevoir une formation complexe dont trois aspects doivent être soulignés. La formation purement clinique, longue et difficile, doit être privilégiée. Le néonatologiste doit être capable de mener un interrogatoire pertinent, incluant l’histoire de la famille, de la mère, de la grossesse, de l’accouchement. Il doit être initié à l’observation, préalable au choix des hypothèses diagnostiques et des examens paracliniques. Il doit être préparé à sa fonction de gestionnaire, d’une équipe, d’un budget, d’un réseau de soins, en maîtrisant notamment les techniques d’évaluation. Il doit recevoir enfin une formation en sciences sociales et humaines : ces connaissances seront indispensables pour alimenter sa réflexion et inspirer sa conduite dans des domaines aussi cruciaux que la relation avec les familles, l’animation de l’équipe soignante et la discussion des observations réclamant des décisions relevant de l’éthique.
L’extraordinaire évolution de cette discipline depuis trente ans incite à la prudence celui qui prétend scruter l’horizon de demain.
Il est néanmoins possible d’entrevoir des pistes.
Plusieurs éléments invitent à penser que la prochaine évolution devrait prendre la forme d’une désescalade.
&Mac183; Un consensus semble se dessiner en faveur d’une limitation inférieure de la prise en charge active des prématurissimes à 24 semaines en privilégiant l’investissement dans la prévention de l’extrême prématurité.
&Mac183; Les attitudes moins invasives, moins agressives, sont actuellement prioritaires, qu’il s’agisse de monitorage ou de traitement. A titre d’exemple, la corticothérapie anténatale, la CPAP nasale et les surfactants exogènes ont dès maintenant restreint la place de la ventilation mécanique. Le monoxyde d’azote entraîne une diminution sensible des indications d’ECMO. Le « no touch » résume la politique de prise en charge des grands prématurés en Scandinavie, en même temps que, quinze ans après les premières publications de Heideliese Als, on assiste à une recrudescence d’intérêt pour des soins personnalisés (NIDCAP).
Il n’est pas déraisonnable dans ces conditions de prédire l’avènement d’une néonatologie moins technique et plus humaniste, fortement inspirée par le souci de la neurologie et de la psychologie du développement. Si l’objectif des trente dernières années a été de diminuer la mortalité péri et néonatale, celui des années à venir devrait être d’améliorer la qualité de la survie. Le nécessaire rapprochement des sciences cognitives devra être pris en compte dans la formation des futurs néonatologistes.
Il appartiendra enfin aux formateurs de concilier efficacement les exigences de leur indispensable activité de recherche et la disponibilité à l’égard des pédiatres en formation : ce n’est pas le moindre challenge.