XXXI CONGRESS – AIX-en-PROVENCE, France – XXXI CONGRÈS

Thursday 20th – Friday 21st September 2001 – jeudi 20 – vendredi 21 septembre 2001

Rapport final, rédigé par Michel PECHEVIS

Cette réunion annuelle a été particulièrement riche et dense et nous n’allons pas tenter d’en faire un résumé, ce qui présenterait peu d’intérêt et serait forcément réducteur. Nous allons par contre essayer d’en dégager les principales idées-forces ainsi que les pistes de réflexion et de travail pour l’AEPE.

Ce Congrès peut être considéré comme un modèle pour l’AEPE et cela à plusieurs titres :

* la nature du thème principal : les réseaux pédagogiques et les technologies de l’information et de la communication (TIC) ;
* le caractère pluridisciplinaire des intervenants et des participants : membres des professions médicales (pédiatre, généraliste, médecin de santé publique, chirurgie pédiatrique, étudiant en formation spécialisée de pédiatrie) et paramédicales (infirmières et puéricultrices), experts en pédagogie et en évaluation appartenant à d’autres disciplines médicales ou aux sciences de l’éducation ;
* la qualité et le haut niveau des interventions.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui font l’objet de cette réunion sont au cœur même de la raison d’être de l’AEPE. Elles constituent un véritable défi mais aussi une grande chance à saisir pour l’Association qui doit résolument s’engager dans ce mouvement. Ceci revient à nous demander : Comment pouvons-nous devenir des « enseignants professionnels » en pédiatrie (tels que Jacques Henri Barrier les a définis), c’est-à-dire des professionnels de la pédiatrie ayant de véritable compétences pédagogiques ? Nous essaierons, à la fin de ce rapport, de faire quelques propositions concrètes en ce sens.

Parmi les idées et concepts développés par les différents intervenants, nous retrouvons de nombreuses convergences avec des notions qui se complètent et s’enrichissent mutuellement. Nous avons également relevé quelques divergences, au moins apparentes, que nous évoquerons également.

Sur la plan des convergences :

* Pierre Reyes (résumé) a bien fait ressortir dès la première intervention la complexité du concept de besoins et notamment, à côté du manque de connaissances à combler, la nécessité de donner une plus grande place au désir individuel et à la motivation personnelle des apprenants. Dans cette dimension motivationnelle, Pierre Reyes a souligné le désir de l’action et le désir de la découverte, conditions de tout apprentissage professionnel de qualité.
* De même, Jean-Louis Bernard (résumé) a mis en avant l’intérêt de l’approche constructiviste dont le principe essentiel est l’affirmation du caractère individuel et actif de tout apprentissage. Il a également souligné le caractère déterminant des connaissances antérieures et l’importance de la dimension émotionnelle de l’apprentissage.
* Ceci rejoint la réflexion de Christian Richelme de Nice (résumé) qui, à propos du développement d’un réseau de télé-enseignement régional, a fait ressortir les différences des besoins de formation des médecins en fonction de leur mode d’exercice mais aussi en fonction de leur âge, la demande des plus jeunes étant nettement plus forte pour les nouvelles technologies.
* Marius Fieschi, (résumé) à propos de la mise en place d’un enseignement à distance organisé par la Faculté de Médecine de Marseille, souligne le rôle positif des TIC qui favorisent l’autonomie des étudiants et leur permet de développer une démarche personnelle.
* Pour Jacques Henri Barrier également (résumé), la motivation est la clé de l’apprentissage. Contrairement aux idées reçues, il estime que des outils de motivation peuvent être créés. Il insiste tout particulièrement sur le fait que l’étudiant doit être considéré comme un adulte (et l’expression « andragogie » devrait être préférée à celle de « pédagogie » pour désigner la formation des étudiants en médecine) et comme un futur professionnel. C’est pourquoi il propose d’établir un contrat clair entre la Faculté, l’enseignant et l’étudiant.

Une des leçons à tirer de ces « convergences » est que l’objectif premier des enseignants en pédiatrie (et des autres enseignants en médecine) n’est pas de transmettre des connaissances mais de promouvoir, chez les (futurs) professionnels de la médecine de l’enfant, la capacité/ l’aptitude à « apprendre à apprendre ». Il s’agit donc de tenir compte et de s’appuyer sur :

* les connaissances antérieures,
* le désir individuel et le degré de motivation des étudiants,
* la démarche personnelle de chaque étudiant en fonction de ses projets et/ou de son mode d’exercice,
* et donc de promouvoir l’autonomie de chaque apprenant.

Ces leçons concernent en premier lieu les organismes comme l’AEPE chargés de promouvoir la culture pédagogique (ou andragogique !) et dont la mission est de susciter la prise en compte par les enseignants des conditions de l’apprentissage et l’intérêt pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication afin de les aider à devenir de véritables « enseignants professionnels ».

A côté de ces convergences dans les notions développées, quelques divergences, au moins apparentes, sont apparues. C’est le cas pour certaines notions abordées par Samuel Johsua et Jacques Henri Barrier:

* Samuel Johsua (résumé)a développé l’approche didactique qui prend en compte les 3 pôles que sont l’élève ou étudiant, le professeur ou enseignant et le savoir. L’apprentissage en situation (« sur le tas ») est important voire essentiel mais il sera d’autant plus efficace qu’il pourra s’appuyer sur un savoir, sur des connaissances approfondies et spécifiques. Les savoirs jouent le rôle de « bottes de sept lieues » en permettant d’avancer beaucoup plus vite dans l’apprentissage professionnel. Cette approche revalorise l’importance des connaissances qui ont été souvent déconsidérées au cours des dernières années par les tenants de l’apprentissage par résolution de problèmes.
* Pour Jacques Henri Barrier (résumé) « l’information peut tuer la formation » et il faut s’orienter essentiellement vers l’apprentissage par résolution de problème, l’acquisition des connaissances à proprement parler devant être relativisée. Mais sans doute ne s’agit-il que d’un angle d’approche différent de la même problématique.

Parmi les autres idées-forces développées pendant ce Congrès, de nombreux intervenants ont mis en évidence et souligné les relations très étroites et très prometteuses qui existent entre les réseaux de soins et les réseaux ou autres approches/stratégies pédagogiques. Un des grands avantages des réseaux de soins est le développement progressif d’une culture commune entre les différents professionnels impliqués. Il en est de même pour les démarches pédagogiques qui les accompagnent, la culture commune des professionnels des réseaux de soins favorisant cette orientation chez ceux qui sont impliqués dans les activités de formation. Les points communs entre réseaux de soins et réseaux ou autres stratégies pédagogiques concernent également :

* l’approche pluridisciplinaire et le travail en équipe ;
* la recherche d’une culture commune de la qualité des soins et l’évaluation de cette qualité qui servent de base à l’amélioration des soins et, en conséquence, de la formation des personnels et étudiants qui font leur apprentissage dans les structures concernées ;
* l’implication, la participation des usagers aux réseaux de soins, dans le cadre de différentes associations de parents d’enfants malades par exemple, ce qui favorise l’apprentissage de nouvelles relations entre les (futurs) professionnels et les usagers des services de santé au cours des différentes phases d’une formation.

En raison des réticences de nombreux professionnels de la santé de l’enfant chargés de la formation à s’investir dans les activités et technologies pédagogiques et à se former en conséquence, un des moyens de susciter leur intérêt et de développer leur motivation dans ce domaine, pourrait/devrait être de s’appuyer sur les relations entre les réseaux de soins et la formation, les activités pédagogiques faisant partie intégrante des activités et responsabilités de tout réseau de soins. Ceci constitue certainement une piste de réflexion et de travail importante pour l’AEPE.

Parmi les autres idées/notions/concepts abordés pendant le Congrès d’Aix, nous voudrions encore mentionner :

* Les nouvelles approches pédagogiques et les NTIC présentées par Gérard SOULA (résumé) conduisent à faire évoluer le métier d’enseignant en médecine (de l’enfant), celui-ci devenant de plus en plus un accompagnant de l’apprentissage, un tuteur et non un simple transmetteur de connaissances . Christian Richelme (résumé) a toutefois souligné qu’il ne s’agit pas d’un nouveau métier à proprement parler mais d’une fonction qui évolue et qui doit se professionnaliser (ce qui rejoint la notion d’enseignant professionnel cher à Jacques Henri Barrier (résumé) comme nous l’avons vu précédemment). Il s’agit également de faire appel à ou de créer de nouvelles catégories professionnelles dans les facultés de médecine et les autres institutions de formation, telles que spécialistes en NTIC, ingénieurs en informatique, metteurs en scène (comme dans le cas du forum-théâtre utilisé pour la formation médicale continue des pédiatres et qui nous a été présenté dans un document vidéo par Jean Stagnara – résumé).
* Il est nécessaire de faire appel aux différents types de technologies de l’information et de la communication, aussi bien les anciennes (ATIC) que les nouvelles (NTIC) qui sont complémentaires. Comme l’a souligné Jean-Michel Guys (résumé) à propos de l’apprentissage du geste en chirurgie pédiatrique (mais ceci est valable pour tous les apprentissages) il n’existe pas une bonne méthode mais un ensemble de méthodes, complémentaires les unes des autres. Jean-Louis Bernard a mis en évidence l’intérêt de l’utilisation d’une production cinématographique professionnelle pour amener les étudiants à connaître et à s’approprier les droits de l’enfant, la dimension émotionnelle du sujet étant servie par la qualité artistique de l’œuvre (résumé) ;
* La rédaction d’objectifs éducationnels, telle qu’elle a été réalisée en France dans le cadre du Collège National des Professeurs de Pédiatrie (présentée par Jean-Louis Bernard – résumé), constitue un bon modèle d’apprentissage d’une approche pédagogique par des enseignants. Ce processus s’est déroulé en réseau sur un an et a impliqué 20 enseignants en binômes dans plusieurs facultés de médecine. Il a ensuite été validé par l’ensemble des professeurs français de pédiatrie. Ces enseignants se sont bien sûr appuyés sur des documents existants (dont les objectifs éducationnels en pédiatrie définis en 1994 par un groupe de travail de l’AEPE) mais l’intérêt de leur démarche réside avant tout dans son caractère participatif et la façon dont ils ont construits eux-mêmes les objectifs de leur enseignement. Une seule réunion commune les a réunis physiquement, les échanges ayant eu lieu essentiellement en utilisant le courrier électronique.

Les applications possibles et souhaitables de toutes ces réflexions et de toutes ces notions sont nombreuses pour les organismes et institutions, comme l’AEPE, qui sont chargés de promouvoir l’enseignement de la pédiatrie ou, de façon plus large, la formation dans le domaine de la médecine et de la santé de l’enfant.

En guise de conclusion, nous voudrions faire les propositions suivantes qui sont autant d’axes de travail pour l’AEPE pour les années à venir :

1. améliorer les compétences pédagogiques (ou andragogiques) des enseignants en pédiatrie et contribuer à créer un corps d’enseignants professionnels en pédiatrie ;

2. s’appuyer sur les réseaux de soins pour améliorer la formation des (futurs) professionnels de la médecine de l’enfant ;

3. promouvoir la création de réseaux pédagogiques sur le plan national et international ;

4. renforcer les liens avec les réseaux et organismes existants :

* francophones : comme le Réseau Pédagogique Francophone de Pédiatrie, l’Agence Universitaire Francophone, la Conférence Internationale des Doyens des Facultés de Médecine d’Expression Française (CIDMEF) ;
* anglophones : comme le nouveau « Paediatric Education Special Interest Group (PedSIG) » ;
* hispanophones : en contribuant, par exemple, au site Web de l’Université Nationale du Nord Est à Corrientes en Argentine ;
* lusophones,…
Un des rôles de l’AEPE pourrait être de servir de pont entre ces différents pôles à l’occasion de réunions communes ou en les invitant à participer à ses réunions annuelles.

5. renforcer et alimenter le site Web de l’AEPE ;

6. contribuer aux journaux et revues pédagogiques, comme à la nouvelle revue francophone « Pédagogie Médicale » présentée par J.L. Bernard lors de la réunion (résumé);

7. développer les liens et les projets de travail avec les représentants des étudiants en pédiatrie, par exemple avec l’European Association of Pediatric Trainees (EAPT) ;

8. développer la collaboration avec les différentes disciplines concernées par l’enseignement de la pédiatrie et en particulier les spécialistes des sciences de l’éducation ainsi que les spécialistes des sciences humaines. L’AEPE pourrait inviter systématiquement ces spécialistes à participer activement à ses réunions annuelles, quel que soit le thème abordé ;

9. revoir le fonctionnement des groupes de travail (standing committees) de l’AEPE en utilisant davantage les NTIC et élargissant ces groupes à des représentants d’autres organismes (comme cela a déjà été le cas avec l’ESSOP pour l’enseignement de la Pédiatrie Sociale) ;

10. créer un nouveau groupe de travail pour étudier les relations entre réseaux de soins pédiatriques et formation en médecine et santé de l’enfant ;

11. enfin, envisager de changer le nom de l’Association (actuellement en français : «Association pour l’Enseignement de la Pédiatrie en Europe» et en anglais : «Association for Pediatric Education in Europe») afin, notamment, de tenir compte de la volonté de renforcer les relations de travail avec les autres pays et continents. Le but serait également d’éviter d’utiliser, en français, le terme « enseignement » qui évoque trop l’approche traditionnelle basée sur la transmission des connaissances et ne tient pas assez compte des conditions de l’apprentissage et des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont été si clairement mises en lumière au cours de cette réunion. Les dénominations suivantes ont été proposées :

– en français : Association Européenne pour la Formation (ou l’Éducation) en Pédiatrie (AEFP ou AEEP)
– en anglais : European Association for Pediatric Education (EAPE)

le 5 octobre 2001

Michel PECHEVIS